La Girafe
Un cou est dans l'absolu quelque chose de majestueux, il décidera de ton port de tête, qu'il soit gracieux ou raffarinois.
Faut avouer - contexte mec - que croissant, vin blanc (du sucre! plus de sucre!), menthol, cuvette ensanglantée, frissons dans les urinoirs de cinquante centimètres carré du grand-père qui vise pas toujours droit, ne constitue pas le cadre le plus approprié pour recevoir le coup de téléphone d'une secrétaire de la Sorbonne aussi aigre qu'ahurie. Quand bien même, d'où lui vient cette carence en amabilité si prononcée ? Peut-être aurais-je mentalement dû lui faire partager mon extase intérieure.
Cinq heure un matin, la terrasse du café d'en face. Le
teint blafard, je me demande combien de temps tiendrai-je encore sans
dormir. déjà soixante-douze heures, comptez environ le triple niveau
tasses de thés, une dizaine de gin tonic. Je dévisage deux clones. J'ai toujours l'impression de comprendre les femmes à travers le mépris
qu'elles m'inspirent. Quant aux petites dindes qui forment la majorité
des vierges, elles me paraissent être aussi dépourvues de mystère que
leurs aînées. Le pauvre serveur s'endort l'avant bras appuyé sur le
robinet, à la manière de Keith sur son micro, ridicule. Je ne l'envie
pas. Cela étant dit, aucun d'eux ne retient assez longtemps mon attention pour
provoquer une énième filature photographique. Une nouvelle intrusion
dans un fragment d'existence (la mienne ne me suffisant pas), comme
d'autres écoutent à la porte des psys (encore eux). La silhouette
fantomatique de l'un de ces curieux apparaît derrière une fenêtre de
l'immeuble d'en face. Au compteur des appels - volontairement - non
reçus depuis minuit, une douzaine de lui. Il m'aperçoit mais ne bouge
pas, comprenant que je ne monterai pas. Je veux juste lui donner signe
de vie sans passer par la case justification. Je hais les
justifications.
Le carte noire sous le bras, figée dans le rayon, je
réalise. Et le paquet choisit ce moment précis pour m'échapper et finir
sa course explosé sur le carrelage d'une quelconque épicerie, ayant
aussi dû sentir qu'on s'approchait lentement de la fin. La fin du
monde, évidemment. Une partie des grains moulus se loge dans les
mailles de mes collants. Le glamour aussi à son paroxysme. Mais je
reste là, pleure un peu, et finis noyée dans une mare de café. Rien de grave.